Bien que le soutien de la France au plan d’autonomie marocain proposé pour le règlement de la question du Sahara occidental, ne date pas d’aujourd’hui, Paris vient de franchir un pas aux conséquences très risquées.
La France, affirme son président Emmanuel Macron, compte agir au sein des instances internationales particulièrement donc l’ONU, en faveur de «la souveraineté» du Maroc sur les territoires sahraouis. Quant au droit du peuple sahraoui à disposer de son avenir à travers un référendum comme le veuille la légalité internationale, Paris s’en moque.
C’est en effet, ce que contient la lettre d’Emmanuel Macron au Roi Mohamed VI, à l’occasion du 25e anniversaire de l’intronisation de ce dernier (Fête du trône), rendue publique ce mardi à Paris comme à Rabat. Soulignant que la France «continuera à ancrer la sincérité de son amitié pour le Maroc et l’efficacité de son partenariat avec lui dans une position claire et forte sur les questions les plus essentielles pour Votre Majesté et les Marocains», le locataire de l’Elysée considère à ce titre que «le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine».
Clair, net et précis, Macron semble vouloir clore définitivement le débat sur ce sujet, liant «l’avenir» du Sahara occidental à la prétendue «souveraineté» marocaine. C’est d’ailleurs sur cette base que Paris va actionner sa diplomatie et concentrer ses efforts au sein des institutions internationales, assure-t-il. «Aussi, je vous affirme l’intangibilité de la position française sur cet enjeu de sécurité nationale pour Votre Royaume. La France entend agir en cohérence avec cette position à titre national et au niveau international», écrit le président français, estimant que «l’autonomie sous souveraineté marocaine est le cadre dans lequel cette question doit être résolue».
Quand Macron dénie aux sahraouis le droit à l’autodétermination
Il faut dire que sur le fond de la doctrine française, Emmanuel Macron ne sort pas de la ligne déjà tracée de la politique extérieure de la France sur cette question, inscrite pourtant au niveau des Nations-Unies comme dossier relevant de de la décolonisation. «Notre soutien au plan d’autonomie proposé par le Maroc en 2007 est clair et constant», rappelle-t-il à «sa majesté».
Mais, c’est de cet engagement exprimé à défendre au niveau international «le plan» décrié par la République arabe sahraouie démocratique (RASD) et son peuple, qu’il est question. «Pour la France, celui-ci constitue désormais la seule base pour aboutir à une solution politique juste, durable et négociée conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies», tranche le chef de l’Etat français dans sa missive à son ami le roi.
Un rebondissement qui ne passe pas inaperçu sur le ciel d’Alger qui fait du règlement de la question sahraouie à travers un référendum d’autodétermination comme l’exige le droit international, une position de principe. Avant même qu’elle ne soit rendue publique d’ailleurs, l’Algérie a dénoncé la décision du gouvernement français qui lui avait été communiquée, il y a quelques jours. «Le Gouvernement algérien a pris connaissance avec un grand regret et une profonde désapprobation de la décision inattendue, inopportune et contre-productive du gouvernement français apportant un soutien sans équivoque et sans nuance au plan d’autonomie sur le Sahara Occidental dans le cadre de la souveraineté marocaine», avait écrit, le 25 juillet, le ministère des Affaires étrangère.
Paris ouvre un nouveau front avec Alger
Tout en affirmant que la démarche «n’aide pas à réunir les conditions d’un règlement pacifique de la question du Sahara Occidental», mais qu’elle «conforte une impasse, celle créée précisément par le prétendu plan d’autonomie marocain et qui dure depuis plus de dix-sept ans», l’Algérie a averti qu’elle «tirera toutes les conséquences qui découlent de cette décision» et dont le Gouvernement français «assume seul la pleine et entière responsabilité».
Comprendre qu’en actant ce soutien pour plaire à «sa majesté» avec lequel régnait depuis quelques mois, une tension dans les relations bilatérales, Macron ouvre un nouveau front avec un partenaire clé dans la région : l’Algérie. Et la première réplique vient à peine de tomber, puisque le gouvernement algérien a décidé « du retrait de son ambassadeur » à Paris avec effet immédiat, laissant la représentation diplomatique algérienne en France est entre les mains d’un «chargé d’affaires», indique ce mardi le MAE.
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Les efforts personnels menés jusque-là de concert avec président Abdelmadjid Tebboune, pour dégager les nuages sur le ciel Alger-Paris, tombent ainsi brusquement au point zéro. Il va sans dire que la visite attendue du président Tebboune (S’il est réélu, NDLR) en France, maintes fois reportée, et annoncée en mars 2024 pour «fin septembre, début octobre», est renvoyée aux calendes grecques.
Tout le contraire du déplacement d’Emmanuel Macron au Maroc, qui se précise désormais. Le président français qui renouvelle son attachement à ce «que la relation entre la France et le Maroc puisse continuer de croître et de se renforcer», espère pouvoir s’y rendre «bientôt», a-t-il souligné dans sa lettre au roi. Une question à un dinar symbolique s’impose du coup : la cause sahraouie a-t-elle fait l’objet d’une opération de troc entre Paris et Rabat ?
La cause troquée
Lorsqu’on sait que des projets d’investissement français sont bloqués par le régime du Makhzen, l’on comprend mieux que ce denier attendait une »belle » contrepartie pour signer à la France des contrats à coût de milliards d’euros, y compris dans les territoires occupés du Sahara occidental. Macron en a fait même une allusion dans sa lettre, lorsqu’il salue «les efforts du Maroc» dans «la poursuite du développement économique et social de cette région», avant d’affirmer : «La France l’accompagnera dans cette démarche au bénéfice des populations locales».
Ainsi, le président français dont la crédibilité sur le plan national, est plus que jamais remise en cause après l’échec de son camp à remporter la majorité des sièges à l’Assemblée nationale, à l’occasion des dernières législatives anticipées, avance bel et bien sur un champ miné.
Journaliste politique