Algérie-France : Dominique de Villepin, ou la voix de «l’espoir»

Dans la crise diplomatique qui affecte les relations entre Alger et Paris, il y a de ces rares voix qui s’imposent comme porteuses d’espoirs à la hauteur des liens solides entre les peuples des deux rives de la méditerranée. Dominique de Villepin est de loin la personnalité française qui incarne le plus cet espoir. Cité -avec d’autres-, dernièrement par le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, comme exemple d’acteur jouissant d’une notoriété publique, l’ancien Premier ministre français croit dur comme fer que le ciel se dégagera «dans les prochaines semaines». «Il y a une attente de part et d’autre», soutient-il.
C’est au cours d’un entretien accordé à la chaîne Alg24 news, que de Villepin a décliné sa vision de ce que devait être la relation entre l’Algérie et la France, deux pays qui «ne sont pas étrangers», l’un et l’autre, estime-t-il. «Je le sens dans la vie quotidienne. Il y a une attente de part et d’autre et nous avons hâte de pouvoir franchir ce pas ; travailler à cette réconciliation, nous fixer des idéo et des objectifs communs. Les deux peuples l’attendent», a déclaré l’ancien Premier ministre (2005-2007) de Jacques Chirac. Pour cela, «il faut de l’énergie, de la patience et de la générosité de part et d’autres», a-t-il ajouté, dans ce qui semble un appel à l’apaisement, après des semaines de déclarations intempestives de figures de l’extrême droite en France.
«Il y a une attente de part et d’autre»
Entre Alger et Paris, la brouille diplomatique a commencé avec l’alignement total d’Emmanuel Macron sur le plan d’autonomie au Sahara occidental, reconnaissant dans une lettre à M6 en octobre 2024, la prétendue «souveraineté» marocaine sur ce territoire. Un dossier sur lequel Dominique de Villepin se montre prudent. «Il y a un certain nombre de choix historiques qui ont été faits. Le président de la République (Macron, NDLR) et la diplomatie française ont souhaité avancer pour essayer d’apaiser les choses sur la question du Sahara occidental. D’où la décision (reconnaissance) et le déplacement au Maroc», a-t-il expliqué, notant toutefois qu’il s’agit d’un processus «qui s’inscrit dans le cadre de l’ONU».
Seulement, pour ne pas polluer la relation bilatérale avec ce dossier, il propose de le dépasser et de se concentrer sur l’essentiel. «Ce qu’il faut souhaiter, au-delà de la compréhension (et) je comprends pleinement des autorités algériennes et les algériens, c’est que nous soyons capables, à partir des décisions qui ont été prises, d’avancer», a-t-il suggéré, estimant qu’il y a «du travail à faire» et qu’il faut «tout faire» pour résoudre les problèmes lorsqu’il y en a. Concrètement, de Villepin propose de «laisser de coté tout ce qui peut nous diviser et nous séparer» pour, dit-il, «nous attaquer à cette tache essentielle qui est de permettre à nos deux peuples de se retrouver» car, a enchainé l’ancien chef de la diplomatie française (2002-2004), les deux pays partagent «la culture et la langue, y compris l’histoire parfois tragique et douloureuse».
Sans pour autant prétendre à une quelconque médiation, l’homme politique qui monte dans les sondages d’opinion en France, voit de l’espoir là où d’autres personnalités politiques françaises, mises en avant par des médias transformés en tribunaux, poussent vers la rupture. «Quand je rencontre des dirigeants français et j’ai lu attentivement l’interview (Entretien avec le journal l’Opinion) du président Tebboune, je crois que les choses bougent et j’aimerai pouvoir dire qu’elles bougent dans le bon sens. Donc, faisons en sorte que nous puissions sortir par le haut de cette crise difficile», a plaidé de Villepin, estimant que chacun est désormais «prêt à faire sa part».
Bien que cette crise soit «la plus importante» depuis des décennies, il n’en demeure pas moins que «le devoir», dit-il, fait que «nous n’avons pas le droit de nous laisser abattre, de nous attarder», mais au contraire, «nous devons avancer». «Je suis confiant que les choses puissent avancer dans les prochaines semaines, je l’espère», a-t-il encore lâché sans pour autant avancer des détails sur son optimisme ni sur les éléments de son analyse.
Très écoutée lorsqu’il s’agit de recadrer le débat sur des dossiers sensibles, la voix de de Villepin, n’est pas de celles qui renient également l’histoire douloureuse de l’Algérie sous la colonisation française [1830-1962]. Sur ce sujet, il affirme «ne pas sous-estimer ce qu’ont été ces décennies et ces périodes si difficiles et tragiques». L’homme qui raconte avoir «grandi avec le poids de cette histoire», soutient qu’elle doit «être transformée». «Les jeunes algériens et français, les algériens de France et les binationaux n’ont pas à porter le poids de ces douleurs. C’est pour cela que le travail de reconnaissance, nous devons, nous français, le faire», a cédé Dominique de Villepin, sans toutefois ménager Alger : «De la même façon que nos amis algériens doivent aussi avancer».
Mémoire : «les jeunes algériens et français n’ont pas à porter le poids de ces douleurs»
Pour lui, il incombe à sa génération de faire le nécessaire pour les générations futures. «Je ne veux pas que nos jeunes des deux rives désespèrent et qu’ils aient le sentiment que notre générations –je fais partie de la même génération que le Président Tebboune- n’a pas fait tout ce qu’il fallait pour que nous puissions nous retrouver».
Malgré la difficulté du contexte, notamment depuis le placement en détention de l’écrivain Boualem Sansal, la volonté doit l’emporter entre Alger et Paris, de l’avis de Dominique de Villepin. «La responsabilité que nous avons, chacun dans sa place, c’est de faire en sorte que ces fils puissent se tisser à nouveau. Je n’ignore rien des difficultés et des obstacles, mais notre volonté doit être plus forte», a-t-il déclaré, évoquant «la situation d’un écrivain Boualem Sansal (…) un homme malade» dans un appel à peine voilé, aux autorités algériennes, à prendre en considération l’état de santé de l’écrivain, dans cette affaire. Et c’est pour cela, suggère de Villepin que «nous devons trouver des voies qui nous permettent de régler ces difficultés», parce que tout ce qui est à venir «est trop important». Une approche à la hauteur d’un homme qui ne cache pas vouloir être «au rendez-vous» de la présidentielle 2027, pour mener «un combat de principes et de positions».
Journaliste politique