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Algérie-France : la crise plus que jamais relancée !

Visiblement, le torchon brûle et l’escalade va crescendo entre Alger et Paris. À peine le délai de 48 heures accordé à 12 agents de l’ambassade de France en Algérie pour quitter le pays, a expiré qu’une réplique similaire est prise par Paris. 

Et c’est l’Elysée qui annonce, ce mardi, l’expulsion de 12 agents consulaires algériens, sans pour autant préciser les délais de cette décision. Affirmant avoir pris note « avec consternation » la décision des autorités algériennes d’expulser douze agents diplomatiques servant auprès de son ambassade à Alger, Paris évoque une décision « qui méconnait les règles élémentaires de nos procédures judiciaires est injustifiée et incompréhensible ».

Tout en incombant à l’Algérie « la responsabilité d’une dégradation brutale de nos relations bilatérales », la France « procédera symétriquement à l’expulsion de douze agents servant dans le réseau consulaire et diplomatique algérien » sur son territoire, écrit l’Elysée dans son communiqué. Plus encore, le Président Emmanuel Macron a décidé de « rappeler pour consultations » son ambassadeur à Alger, Stéphane Romatet.

Jamais les relations entre les deux pays ont atteint un tel niveau de dégradation suivie de sanctions de part et d’autre. Pourtant, il y a à peine une semaine, le ciel s’était dégagé entre les deux capitales après une crise diplomatique qui aura duré 8 mois, déclenchée à la suite de la lettre d’Emmanuel Macron au roi du Maroc en juillet 2024, reconnaissant que pour la France, l’avenir du Sahara occidental s’inscrivait dans le cadre de « la souveraineté marocaine ». Un positionnement qui a poussé Alger à rappeler son ambassadeur à Paris.

Dans un second épisode de la crise, l’arrestation de l’écrivain Boualem Sansal à l’aéroport d’Alger mi-novembre dernier, a suscité une levée de boucliers en France, en particulier chez l’extrême droite revancharde contre l’Algérie. Le discours colonialiste a même refait surface avec les menaces de Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, et sa formule de « réponse graduée », puis l’ultimatum du Premier ministre, François Bayrou envers Alger à fin de reprendre les ressortissants sous OQTF. Des méthodes qui n’ont pas ébranlé les autorités algériennes. D’ailleurs, Sansal a même fini par être condamné à 5 ans de prison ferme pour, entre autres, « atteinte à l’unité du pays », alors que sur la liste de 60 personnes sous OQTF, seule une infime partie a été récupérée par l’Algérie, suivant les canaux et procédures traditionnels.

Malgré cela, le réchauffement a quand-même eu lieu à l’occasion de l’Aïd El Fitr, lorsque Macron a pris la peine de s’entretenir au téléphone avec Abdelmadjid Tebboune. Au bout de deux heures d’échanges, les deux présidents ont tout réglé ou presque: Questions migratoires, OQTF, dossiers de mémoire, reprise du dialogue, révision d’accords bilatéraux, reprise de la coopération économique et le cas Sansal …

La visite de Barrot à Alger le 6 avril dernier avait même acté la fin de la crise. Hélas, c’était compter sans le travail de sape des cercles français hostiles à une relation normale et d’égal à égal avec l’Algérie. Deux jours après, un agent consulaire algérien est arrêté en France puis placé en détention le 12 avril, pour sa prétendue implication dans l’enlèvement en avril 2024, de Amir DZ, youtubeur exilé à Paris, classé comme terroriste en Algérie et condamné dans plusieurs affaires.

Dimanche soir, l’Algérie a dénoncé une arrestation « spectaculaire et ostentatoire (…) en violation des conventions et traités » dans le cas d’agents protégés par l’immunité diplomatique. En guise de réponse, elle décida l’expulsion de 12 agents consulaires français, relevant de la tutelle du ministère français de l’Intérieur, exerçant à l’ambassade de France à Alger. Laquelle décision a donc été suivie par une riposte similaire de Paris.

« Dans ce contexte difficile, la France défendra ses intérêts et continuera d’exiger de l’Algérie qu’elle respecte pleinement ses obligations à son égard, s’agissant tout particulièrement de notre sécurité nationale et de la coopération en matière migratoire », a indiqué, ce mardi, l’Elysée, ajoutant que ces exigences « vont avec l’ambition que la France continuera d’avoir pour ses relations avec l’Algérie, compte tenu de ses intérêts, de son histoire et des liens humains existants entre nos deux pays ».

L’intérêt même de la France et de l’Algérie « est de reprendre le dialogue », souligne la même source, concluant que « le Président (Macron) appelle les autorités algériennes à faire preuve de responsabilité dans le cadre du dialogue exigeant et constructif engagé le 31 mars dernier avec le Président algérien ».

Sauf que Paris devrait d’abord donner l’exemple de faire prévaloir le dialogue avant d’appeler Alger à suivre cette voie. Arrêter un agent consulaire sans respect des règles en matière d’immunité, et s’attendre à ce que cela ne fasse pas des vagues dans son pays souverain, est pour le moins, prétentieux !

Quoi qu’il en soit, avec ce nouvel épisode dans le bras de fer avec échanges d’accusations et de sanctions opposées, les relations entre l’Algérie et la France ne sont pas partis pour un retour à la normale. Bien au contraire, plus que jamais, on est à deux doigts de la rupture.

moussiaissa@gmail.com |  Plus de publications

Journaliste politique

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